
Je m’appelle Grégory Caron. J’ai créé Ligne Rouge pour dire les choses sans filtre et remettre du vrai dans les débats. Mon parcours est marqué par des tempêtes, des échecs et des reconstructions. Je sais ce que ça veut dire quand l’argent du collectif – privé ou public – est détourné au profit de quelques-uns, pendant que d’autres paient la note. C’est pour ça que je m’intéresse autant à ce débat fiscal. Parce que derrière les slogans, il y a une question simple : qui paye, qui profite, et est-ce que ça sert encore vraiment le collectif ?
Voici ma contribution.
70% à 85% des Français veulent taxer les ultra-riches. Mais très peu se demandent ce qui se passe après. Parlons-en.
Depuis quelques semaines, Gabriel Zucman relance le débat sur une taxe visant les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Sur le papier, c’est séduisant : faire contribuer les ultra-riches. Dans les sondages, c’est plébiscité : entre 70 et 85% d’opinions favorables. Le problème ? C’est une fausse bonne idée.
La taxe Zucman : brillante politiquement, brutale économiquement
En France, environ 4000 personnes détiennent plus de 100 millions d’euros de patrimoine. Mais beaucoup ont des structures internationales, des actifs hors de France. Résultat : quelques dizaines à quelques centaines de personnes seraient réellement concernées. Cette taxe rapporterait 10 à 15 milliards par an. C’est considérable.
Mais regardons les dégâts collatéraux :
1. Un patrimoine n’est pas du cash. Taxer des parts sociales ou de l’immobilier, c’est forcer à vendre son outil de travail pour payer l’impôt. Eric Larchevêque (cofondateur de Ledger) l’a dit : pour s’acquitter de cette taxe, il devrait céder des parts de son entreprise. Certains proposent même qu’il les cède à l’État. Absurde.
2. On frappe aveuglément. Le rentier qui thésaurise et l’entrepreneur qui réinvestit ? Même traitement. Résultat : on décourage l’investissement productif au nom de la sacro sainte justice fiscale.
3. On continue d’empiler les impôts. IS sur les bénéfices → impôt sur les dividendes → impôt sur la consommation → et maintenant impôt sur le patrimoine.
À quel moment on arrête de taxer le même euro ?
La taxe Zucman est un slogan politique, pas une solution économique.
La vraie question : pourquoi laisse-t-on l’argent sortir du jeu ?
Voilà un scandale dont personne ne parle : aujourd’hui, quand une filiale verse 100 millions de dividendes à une holding, 95% sont exonérés d’IS grâce au régime mère-fille.
Pourquoi ? Pour éviter la double imposition et encourager le réinvestissement dans l’économie réelle : croissance externe, R&D, emploi.
Le problème ? Rien ne distingue ce qui est réinvesti de ce qui est capté pour alimenter une rente improductive : thésaurisation, spéculation, ou consommation de luxe échappant à la Flat Tax de 30%.
La solution : taxer l’extraction, pas la construction.
En pratique : → Maintenir le régime favorable si les dividendes sont réinvestis dans l’économie réelle. → Taxer lourdement ceux qui servent uniquement à l’enrichissement personnel.
Ce n’est pas la manne de 15 milliards de la taxe Zucman. Mais c’est 10x plus intelligent : on encourage l’investissement productif ; on punit l’extraction de valeur ; on arrête de frapper aveuglément.
Des objections ?
- « C’est trop complexe »
Oui. Définir le « réinvesti » demande un peu de travail : acquisitions ? R&D ? Immobilier productif ? Prêts intragroupe ? Dans quel délai ? Mais la complexité n’est pas une excuse pour l’inaction. Le code fiscal fait déjà 2000 pages. Une de plus pour cibler l’argent improductif, ce n’est pas la mer à boire.
- « C’est moins vendeur politiquement »
Exact. Dire « on taxe les riches », c’est simple. Dire « on taxe l’argent qui sort de l’économie réelle », c’est subtil. Mais on fait quoi : de la politique-spectacle ou de la politique efficace ?
Et si on parlait aussi de la rente publique ?
On ne peut pas réclamer toujours plus d’impôts sans se demander : que fait-on de l’argent déjà prélevé ?
La France, c’est :
- 45% du PIB en prélèvements obligatoires (l’un des taux les plus élevés au monde)
- 57% du PIB en dépense publique (record OCDE)
Cela ne veut pas dire qu’il faut moins d’État. Cela veut dire que l’État doit être plus efficace. Quelques gisements connus (Cour des comptes) :
- Des dizaines d’agences et organismes redondants
- Des milliards de subventions mal ciblées ou jamais évaluées
- De nombreuses structures parapubliques maintenues par inertie
- Des niches fiscales et sociales dont l’efficacité est douteuse
En clair :
- Rente privée = dividendes captés pour enrichissement personnel.
- Rente publique = dépenses qui consomment l’argent collectif sans valeur ajoutée.
Dans les deux cas, c’est le même problème : de l’argent du collectif détourné de sa mission.
Pour conclure, changeons de paradigme
La taxe Zucman cible les ultra-riches : objectif juste, outil brutal. Mais la question n’est pas de savoir combien possèdent les plus riches ; mais ce qu’ils font de ce qu’ils possèdent.
Ce qu’il faudrait vraiment :
- Taxer les dividendes non réinvestis → on cible l’argent improductif.
- Réformer les rentes publiques → on arrête de financer des structures inutiles.
- Changer de logique → moins taxer la construction, plus taxer l’extraction.
La justice fiscale ne viendra pas d’un impôt de plus. Elle viendra d’un système qui récompense ceux qui créent et punit ceux qui extraient.
La France a besoin de courage fiscal, pas de slogans populistes.
Grégory Caron – gregory@ligne-rouge.co



